ACTUALITES DU DROIT DE LA PRESSE

Le Conseil Constitutionnel vient de publier un avis qui va bouleverser bien des habitudes pour les praticiens du droit de la presse en déclarant inconstitutionnelle l’une des dispositions de la loi de 1881 en matière d’offre de preuves des propos querellés comme étant diffamatoires. Le Conseil Constitutionnel a en effet considéré que la disposition interdisant de rapporter la preuve de la vérité de faits et de condamnations amnistiés est inconstitutionnelle en ce qu’elle lui apparaît être disproportionnée par rapport aux besoins auxquels elle a vocation à répondre. Il sera donc possible aujourd’hui dans un contexte historique ou scientifique ou pour les simples besoins de l’information de pouvoir rapporter la preuve de la vérité de faits ou condamnations amnistiés, ce qui semble impliquer qu’on pourra par conséquent procéder alors à leur rappel… Il convient d’attendre maintenant la jurisprudence des tribunaux en ce qui concerne les affaires en cours ou à venir qui seront concernées par ce changement.

De son côté la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 3 juillet 2013, précise que l’avocat de la partie civile doit être domicilié dans la ville même et non dans le ressort où siège le tribunal saisi, conformément à une lecture fidèle de l’article 53 de la loi de 1881. Cette jurisprudence revient à l’application classique du principe et  rompt avec le revirement que la Cour avait opéré le 24 septembre 2009 puis le 22 septembre 2011 en considérant alors que la constitution d’un avocat devant le tribunal saisi de l’action en diffamation valait élection de domicile au sens de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse quand bien même son Cabinet ne siégeait pas dans la ville même de la juridiction. Les raisons de cet aller-retour ne sont pas claires.

Ces incertitudes laisseront en tous cas le praticien du droit de la presse perplexe et l’inviteront plus que jamais à redoubler  de précautions dans une matière toujours piégeuse.

 

 

Hommage aux sœurs du dépôt du palais de justice de Paris

J’ose espérer que Le Parisien ne me reprochera pas de proposer tel quel par ce lien la lecture de son bel article en forme d’hommage aux sœurs de la congrégation de Marie-Joseph qui viennent de mettre un terme à leur remarquable oeuvre au sein du Palais de Justice de Paris.

http://www.leparisien.fr/paris-75/les-soeurs-du-depot-ont-quitte-le-palais-de-justice-22-05-2013-2823825.php

Ces femmes ont pendant près de 150 ans quotidiennement consolé et réconforté sinon protégé les femmes qui étaient jetées au fond des tristes cellules du dépôt du  Palais de justice de Paris où entre anxiété, désarroi ou remords elles attendaient d’être déférées au petit matin glauque devant des magistrats  qui soit les envoyaient en détention ou directement au tribunal pour un procès expéditif, soit les relâchaient.

Attentionnées, humaines, douces, rassurantes, maternelles avec les plus jeunes, protectrices avec les plus faibles, elles ont fait un travail qu’on ne saluera jamais assez.

Elles s’en vont dans la plus grande discrétion, presque sans un mot, à l’image de leur parfaite humilité.

Chapeau et merci.

 

Prescription de l’action en diffamation par Internet

L’action en diffamation, en injure publique ou en atteinte à la présomption  d’innocence par Internet se prescrit par trois mois (ou par un an dans le cas des diffamations et injures spéciales de  type discriminatoire) à compter de la date de première mise en ligne des écrits en cause, ce qui peut être très pénalisant pour les victimes de ces infractions qui en ont eu connaissance tardivement et qui  souffrent ensuite les allusions qui y sont faites par d’autres sites ou par des internautes sur des forums de discussion.

Un léger correctif est déjà depuis plusieurs années admis par les tribunaux  quand l’article est  significativement retouché, mais ceci est  rare, étant entendu que de ce point de vue les changements de l’environnement de la page sont quant à eux  jurisprudentiellement tenus pour indifférents.

D’où l’intérêt présenté par le jugement du 18 mars 2013 prononcé par la prestigieuse chambre de la presse du Tribunal de grande instance de Paris  (TGI Paris, 17e ch., 18 mars 201 www africaintelligence.fr- société Indigo Publications 3- ) qui précise pour la première fois que le délai de prescription du délit de diffamation commis par voie de presse numérique court à nouveau à compter de la date de la création sur Internet d’un lien hypertexte permettant d’accéder à un article plus ancien. Le tribunal a décidé que « la création d’un tel lien doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie », faisant courir un nouveau délai de prescription de 3 mois.

A ce stade, les praticiens sont curieux et impatients de savoir si cette analyse sera confirmée par la cour d’appel puis la Cour de cassation mais c’est à ce stade une avancée pratique notable dans l’intérêt des victimes, généralement très démunies, impuissantes et faibles par rapport au phénomène Internet.

OGM, Liberté de conscience et discriminations…

Loin de nous de prendre parti dans le débat qui oppose les pro-OGM et les anti-OGM mais force est de relever que celui-ci confine à une véritable guerre idéologique dans laquelle tous les moyens sont bons pour discréditer l’adversaire.

En témoigne la polémique dont le professeur Séralini a récemment fait les frais après avoir publié ses retentissants travaux sur la toxicité de certains OGM. Attaqué pour avoir travaillé occasionnellement pour un laboratoire pharmaceutique dont certains dirigeants sont membres d’une association répertoriée il y a une vingtaine d’années comme pouvant participer à des  dérives sectaires, le professeur Séralini a été ravalé au rang de charlatan ou de sorcier.

Ceci nous a valu d’être interviewé par le président d’Invitation à la Vie, l’association concernée, et nous reproduisons ci-après les termes de cet entretien mis en ligne  sur le site de cette organisation.

Ces discriminations sont généralement travesties sous des dehors légitimes »

(Interview de Maître Richard Valeanu par Daniel Chauvin, le 8 février 2013)

Avant-propos d’IVI

« Notre association a de nouveau été mensongèrement mise en cause au détour de polémiques concernant les récents travaux du professeur Séralini sur la toxicité de certains OGM. Nous avons souhaité à cette occasion faire un point juridique et judiciaire sur l’hostilité manifestée par une partie de l’opinion publique française à l’égard de la liberté de conscience, nonobstant son statut de liberté constitutionnelle. Maître Richard Valeanu, avocat parisien, défend de longue date les libertés fondamentales, notamment celles de la presse et d’opinion mais aussi la liberté de conscience pour plusieurs mouvements ou groupes. Il a répondu à nos questions pour dresser avec nous un état des lieux sur le sujet. »

Maître Valeanu, qu’est-ce qu’une secte en droit ?

Ce n’est rien. Le droit français ignore en fait la notion de secte.

Au demeurant, Monsieur Fenech, ancien Président de la Miviludes elle-même, qui a pourtant usé et abusé du terme, a fini par convenir à l’occasion de divers entretiens que le mot secte n’a aucune portée ni aucune existence en droit.

(NDLR : voir liens vidéos 1 et 2 en fin d’article)

Ceci posé et abstraction faite du cadre juridique, une secte n’est jamais qu’une division doctrinale, la section d’un mouvement préexistant. Par exemple, le christianisme primitif était une secte juive.

Reste que le terme a acquis aujourd’hui en France une connotation particulière, évidemment péjorative et stigmatisante. Votre association est bien placée pour le savoir.

Mais alors, d’où vient cette hostilité des pouvoirs publics français à l’égard d’un certain nombre de mouvements minoritaires qu’elle qualifie de secte pour les discréditer aux yeux de l’opinion ?

C’est un mouvement plutôt récent qui a été largement alimenté par les rapports parlementaires des années 90. Ces rapports sont l’œuvre d’une commission non permanente de l’Assemblée nationale créée à l’initiative d’une petite poignée de députés qui ont cru devoir dresser un catalogue hétéroclite de plusieurs dizaines de mouvements de tous genres qui ont été qualifiés de sectes. La création de cette commission a été très fortement influencée par l’action d’associations dont la neutralité prête à mon sens beaucoup à discussion.

Ces rapports ont été ensuite largement relayés par la presse. Puis leur impact a été entretenu et aggravé par l’action de la Miviludes, qui est une mission permanente rattachée aux services du Premier Ministre, qui s’est assignée pour objet de rechercher et de signaler les dérives de ces mouvements.

Au bout du compte, cette action publique a suscité une sorte de doxa médiatique qui a eu pour effet de stigmatiser de très nombreux mouvements ou groupes qui avaient jusqu’alors pour la plupart d’entre eux vécu en paix.

Le Président de Reporters sans frontières, le journaliste Robert Ménard, a très bien expliqué ce phénomène dans un entretien qu’il a donné au CICNS.

 (NDLR : voir lien vidéo 3 en fin d’article)

 Y-a-t-il unanimité au sein des pouvoirs publics sur ce sujet ?

Non. Des dirigeants politiques de premier plan ont pris leurs distances avec les travaux de la commission parlementaire. D’autre part, le bureau des cultes du ministère de l’Intérieur, qui est l’institution naturelle chargée des questions de religion en France, a souvent pris le contre-pied de la Miviludes. Un débat très vif a opposé à l’Assemblée nationale le directeur du bureau des cultes aux membres de la commission « anti-sectes ».

(NDLR : voir lien vidéo 4 en fin d’article)

La Miviludes se plaint d’ailleurs d’être marginalisée par les préfectures et services judiciaires. Mais dès lors qu’elle se comporte souvent en police de la pensée ou de la foi au mépris du principe de laïcité, ceci peut s’expliquer.

D’autant que depuis quelques temps, la Miviludes a changé de cible et s’en prend aux médecines douces, à la psychanalyse, au coaching, et à toutes sortes d’activités éloignées de son propos initial.

 Quelle est la position des tribunaux français ?

 Les tribunaux français, judiciaires et administratifs sont très généralement parfaitement respectueux du principe de laïcité et de la liberté de conscience. Ils restent le plus souvent les vrais gardiens de cette liberté. La jurisprudence des juridictions administratives françaises et de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est essentiellement construite autour de contentieux concernant le mouvement des Témoins de Jéhovah, assure un rempart réel contre les discriminations dont sont victimes certains mouvements et leurs membres. Nos juges estiment d’autre part que le droit commun suffit pour régler ces questions quand elles prennent un tour judiciaire, ce qui est d’ailleurs extrêmement rare.

Au plan international ?

L’attitude des pouvoirs publics français à l’égard des religions en général est mal considérée à l’étranger. La France est très mal notée dans ce domaine au point de côtoyer la Russie dans la catégorie des mauvais élèves. Elle fait l’objet de rappels à l’ordre par la Cour européenne des droits de l’homme.

(NDLR : Voir liens textes 5 et 6 en fin d’article)

D’autre part, et je suis bien placé pour le savoir pour en avoir reçu des représentants, une mission rattachée au gouvernement des USA observe avec perplexité la situation de la liberté de conscience en France.

Rappelons encore que l’ONU et les plus grandes organisations internationales de défense des droits de l’homme se sont inquiétées de nos lois sur le voile ou sur la burqa qui avaient au demeurant fait l’objet de sérieuses réserves de la part d’éminents juristes français.

Enfin, tout récemment, la France a été rappelée à l’ordre par la Commission des droits humains de l’ONU à raison de l’interdiction qu’elle a pu faire à des Sikhs de porter leur turban traditionnel.

(NDLR : Voir lien texte 7 en fin d’article)

Il n’y a pas que la France qui soit sur la sellette au titre de ce genre de comportements en Europe. La Grèce, la Russie, d’autres pays d’Europe de l’Est sont en cause.

Il est à cet égard plutôt cocasse de relever que la Pravda a reproché à la Miviludes… d’être une secte dispendieuse !

(NDLR : Voir lien texte 8 en fin d’article)

Est-ce que les avis de la Miviludes ont une portée normative ?

Absolument pas. Selon la jurisprudence administrative, il s’agit de simples avis, voire d’opinions sans portée règlementaire individuelle ou générale. Raison pour laquelle les membres de la Miviludes ont demandé à bénéficier d’une immunité dans leurs travaux car il leur est arrivé d’être condamnés pour diffamation.

Comment se défendre des discriminations qui peuvent procéder de ce genre de climat ?

Ces discriminations existent et sont nombreuses. Mais elles sont soit sournoises comme l’est le racisme ordinaire, soit difficilement identifiables et donc difficilement punissables.

Car ces discriminations sont généralement travesties sous des dehors légitimes. Je pense en disant cela à l’exemple d’une magnifique thèse de doctorat en histoire dont l’examen a été officiellement éludé pour des banals motifs administratifs, mais en vérité parce que son auteur, qui était notoirement membre d’un mouvement répertorié comme sectaire, validait une datation biblique.

Ou bien ces discriminations invoquent la liberté d’opinion et de critique. Et du coup elles sont protégées par l’exercice de ces libertés.

Au bout du compte, se défendre est évidemment possible et même souhaitable, mais il faut bien être conscient que c’est une tâche toujours difficile. On peut donc préférer souffrir ces injustices en silence en étant paisiblement et sagement en ordre avec sa conscience.

Pensez-vous qu’une amélioration soit possible ?

Souvenons-nous de l’exemple de Jésus-Christ ou de ses apôtres. Ils ont maintes fois déclaré et prédit que leur foi et leur statut les exposeraient,  eux et leurs disciples à travers les âges, aux tribulations et au mépris de l’opinion, sinon au martyr, comme cela avait déjà été le cas avant eux pour les prophètes hébreux. Il suffit de relire la bible pour le vérifier. Rien de nouveau sous le soleil en somme.

Mais on peut quand même espérer que les pouvoirs publics français entendront enfin les forts rappels à l’ordre qui leur ont été faits par la Cour européenne des droits de l’homme.

Il serait enfin juste que les médias cessent de surfer sur l’opinion et qu’ils fassent un véritable travail d’investigation pour distinguer ce qui relève d’un côté des dérives sectaires et de l’autre côté de la liberté d’opinion ou de conscience. Ce serait d’ailleurs rendre un grand service à chacun car on finit par confondre le bon grain avec l’ivraie, si bien que les décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme en faveur de la liberté religieuse pourraient en sens inverse profiter de façon plutôt perverse à des organismes qui méritent effectivement d’être surveillés.

Il faut donc faire preuve de discernement et de ce point de vue, il faut toujours compter sur l’intelligence de nos juges.

(Propos recueillis par Daniel Chauvin)

Liens

 http://www.youtube.com/watch?v=3_Q042KMmrI

https://www.youtube.com/watch?v=b5ealkqrUAA

https://www.youtube.com/watch?v=WdVGhiGDcTo

https://www.youtube.com/watch?v=Mg2-xqFqYgA

http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/06/30/temoins-de-jehovah-la-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-condamne-la-france_1543102_3224.html

http://www.leparisien.fr/societe/la-france-doit-rembourser-6-4-meur-aux-temoins-de-jehovah-05-07-2012-2078467.php

http://www.sikhnet.com/news/sikhs-win-school-turban-ban-case-against-france-un

http://www.coordiap.com/press2966-miviludes-georges-fenech-pravda.htm

http://www.aicongress.org/wp-content/uploads/2012/05/France-Executive-Summary-October17.2011.pdf

10 http://www.freedomofconscience.eu/2011/04/discrimination-of-minority-belief-groups-in-france/

 

 

Pierre-Olivier Sur , nouveau bâtonnier du Barreau de Paris

Pierre-Olivier Sur a été élu hier nouveau bâtonnier du Barreau de Paris avec Laurent Martinet pour Vice-Bâtonnier et ils prendront leurs fonctions l’an prochain à l’expiration du mandat en cours du Bâtonnier actuellement en fonctions, Madame Feral-Schuhl.

Tous nos compliments et encouragements amicaux à Pierre Olivier Sur, qui entretient au barreau depuis près de 30 ans  une belle et talentueuse histoire, commencée avant lui par son père, Bernard Sur.