Négation du crime

L’humanité se signale à nouveau depuis plusieurs semaines sur le territoire de l’Ukraine par sa capacité à s’autodétruire et on entend ci et là les accusations de crimes de guerre, de crime d’agression, voire de crimes contre l’humanité.
Ces notions sont définies par diverses conventions internationales qui précisent d’autant mieux ce que devraient être les droits de chacun d’entre nous que l’histoire démontre notre incapacité à les tenir pour des devoirs.
Pour autant faut-il considérer que le crime de droit commun qui consiste à tuer son prochain, délibérément, celui qui vous conduit en prison ou vers un lieu d’exécution, serait plus grave que celui qui consiste à tuer et faire tuer des milliers de personnes innocentes, ou de jeunes conscrits qui ne demandaient qu’à vieillir heureux ? Faut-il admettre que dans certaines limites la guerre autoriserait le meurtre, le crime, l’homicide ? Accepter que les chefs d’Etat aux commandes de ces massacres pourraient se prévaloir d’une forme de droit et d‘immunité comme autant de permis d’assassiner ?
Que ce soit l’élémentaire intelligence, la morale la plus évidente, ou une forme de droit naturel, tous devraient nous conduire à rejeter en bloc tous ces crimes, à n’en admettre aucun.
Et pourtant, pauvre humanité, te voilà confrontée à longueur de commentaires et de nouvelles à devoir accepter ces crimes parce que plus ils sont massifs, plus ils semblent  excusables. Naïveté ?
Sans doute. Plus c’est gros, plus ça passe dit l’adage.

 

 

 

Confiance, preuve civile et nécessité d’un écrit

« Le trop de confiance dans les autres est la ruine de bien des gens ».(Benjamin Franklin)

On l’oublie trop souvent, en matière civile un engagement contracté pour une somme supérieure à 1500 euros doit être constaté par un écrit signé.

L’article 1359 du code civil (anciennement 1341) dispose que l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (Nota : 1500 €) doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. Celui dont la créance excède le seuil mentionné ne peut pas quant à lui être dispensé de la preuve par écrit en restreignant sa demande. Il en va enfin de même pour celui dont la demande, même inférieure à ce montant, porte sur le solde ou sur une partie d’une créance supérieure à ce montant.

Très souvent, trop souvent, les relations de confiance qui s’installent entre particuliers ou l’inclination de beaucoup à traiter trop vite dans le feu de l’action conduisent à se contenter de la parole donnée.

Imprudence. Erreur.

Si l’engagement dépasse 1500 € et qu’il est « civil » en ce que pris entre deux non commerçants, ou bien entre un particulier et un professionnel, commerçant, ou artisan, etc…la prudence commande de s’en ménager la preuve écrite.

La Cour de cassation la rappelle en validant des décisions ayant rejeté la demande en paiement  d’un artisan ayant effectué des travaux supplémentaires de plus de 1500 € dans le cadre d’un chantier plus vaste sans s’être muni d’un avenant ou d’un ordre de service précis. (Civ. 3e, 17 nov. 2021, FS-B, n° 20-20.409)

La seule possibilité de contourner cette difficulté serait d’apporter des commencements de preuve par écrit laissant entrevoir l’existence d’un tel engagement. Mais il seraient laissés à l’appréciation du juge en cas de litige.

Notons que les factures ne peuvent faire office de preuve dès lors que nul ne peut se constituer un titre à soi-même.

Conclusion : quand bien même vous estimez que c’est gênant ou une perte de temps, pensez à acter tout engagement de plus de 1500 € par  un écrit signé.

Attention aux mails ou SMS. Pour être considéré comme preuve à part entière, un e-mail doit être accompagné d’une signature électronique certifiée. Un e-mail « courant » sera le cas échéant considéré comme un « commencement de preuve » par écrit mais, on le répète, il ne sera pas décisif en ce que  laissé à l’appréciation d’un juge.

La Justice est aussi un choix

Dans certains cas la décision du juge est contrainte par la rencontre entre des faits établis et des règles de droit précises.

Dans d’autres cas, le juge a le choix et la solution qu’il retiendra sera très révélatrice de sa personnalité.

Exemple réel.

Madame X… souscrit en appui d’un crédit immobilier une assurance pour le rembourser en cas de problème de santé. A cette occasion elle remplit un questionnaire de santé dans lequel l’assureur lui demande si elle a été traitée pour hypertension artérielle.

Deux ans plus tôt Madame X… a été momentanément traitée par précaution pour une suspicion d’hypertension artérielle qui n’en était pas une, ce que confirmera plus tard une expertise judiciaire.

Elle répond donc non à la question posée.

Plus tard, elle se retrouve confrontée à un grave problème de santé, invalidant mais totalement étranger à une hypertension artérielle. Ceci la conduit à devoir mobilier l’assurance puisqu’elle n’a pratiquement plus de revenus professionnels.

La compagnie lui en refuse le bénéfice en lui reprochant d’avoir menti en ne répondant pas par l’affirmative à la question qui lui avait été posée. La compagnie demande l’annulation de l’assurance.

Le juge saisi de la difficulté avait le choix entre :

-          Considérer que puisque l’assurée avait été traitée pour une hypertension quand bien même en réalité ce n’en était pas une, elle devait répondre oui au questionnaire ;

-          Considérer que l’assurée n’avait pas été traitée pour une hypertension puisque ce n’en était pas une et qu’elle avait eu raison de répondre de bonne foi non à la question.

Le juge avait ainsi le choix entre la bienveillance envers l’assurée qui de bonne foi avait émis une réponse juste en fait ou la sévérité envers elle en considérant que seul comptait le traitement.

Rien dans la règle de droit ne l’obligeait à privilégier une branche de l’option.

Ce juge a pourtant choisi la sévérité au bénéfice de l’assureur et annulé la police,  laissant l’assurée malade face aux charges d’un crédit qu’elle ne pouvait plus rembourser…

Décision  qui en dit long sur ce que Justice signifie pour ce magistrat.

« … c’est de la façon dont vous jugez que vous serez jugés, et c’est avec la mesure que vous utilisez pour mesurer qu’on mesurera pour vous… » (Matthieu 7 :2)

Fake News- Droit de la Presse

A l’ère des réseaux sociaux qui sont devenus une jungle dans laquelle beaucoup se croient tout permis, les fausses nouvelles ou fake news sont légion.

Elles s’attaquent soit aux individus dont la réputation peut voler en un instant en éclats, soit elles concernent des événements plus généraux, avec des effets en chaine souvent délétères.

Le droit n’ignore pas le genre de la fausse nouvelle et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse l’envisage et le réprime depuis longtemps sous certaines conditions.

Son article 27 dispose aujourd’hui en termes quasi identiques à ceux de 1881 « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros. Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation ».

L’application de ce texte conçu quand la presse n’avait pour seul support que les produits d’imprimerie, a été élargie à la communication audiovisuelle puis aux supports numériques par la loi du 29 juillet 1982 et celle du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

La loi du 21 Juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a quant à elle investi les hébergeurs et éditeurs de sites en ligne d’une responsabilité légale quand ils négligent de retirer des contenus dont l’illicéité leur été signalée.

Enfin, la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information s’attache à lutter contre des informations manifestement fausses en période électorale de nature à altérer le scrutin.

Les fake news constituent l’outil préféré des mouvements qu’il est convenu de qualifier de « complotistes ». Elles leur servent à contester ce que le constat objectif des faits enseigne, ou a minima ce que leurs apparences les plus raisonnables et vraisemblables en disent. Leurs auteurs affirment que ces constats ou apparences travestissent d’autres réalités, généralement hostiles aux libertés ou au genre humain. Les auteurs les plus extrêmes de ces fausses nouvelles n’hésitent pas à imaginer  que ces réalités cachées seraient le fait délibéré et concerté de puissances occultes qui les couvriraient du secret et dont l’objectif serait de dominer le monde pour mieux s’enrichir, voire pour détruire l’humanité.

Il est dans la nature humaine de se rallier aux thèses pour lesquelles on a une inclination personnelle de sorte que ces fake news suscitent un grand intérêt et recueillent l’adhésion de tous ceux, nombreux,  qui ont à cœur de se les approprier pour mieux les diffuser.

La pandémie de la Covid 19 fournit au quotidien depuis 2020 une parfaite illustration de ce que sont ces fake news qui fleurissent sur les réseaux sociaux, parfois dans des grands médias d’information, ici ou là dans ces émissions de télévision qui se nourrissent de la polémique.

Pour autant, et c’est singulièrement surprenant, les poursuites sont inexistantes, en tous cas exceptionnelles, et le plus souvent elles empruntent d’autres voies juridiques que celles que nous venons de mentionner. C’est par exemple pour un manquement à ses devoirs de médecin et non pour une diffusion de fausse nouvelle que le Professeur Didier Raoult a été blâmé par son Ordre pour avoir défendu publiquement le traitement de la Covid 19  par l’hydroxychloroquine.

Il est donc légitime de s’interroger sur les raisons de cette timidité.

La jurisprudence est rare.

Elle fixe d’abord au fond de la loi des contours si étroits que l’usage en devient malaisé.

Comme son nom l’indique, une fausse nouvelle suppose une « nouvelle » et donc la révélation d’une information qui n’était jusqu’alors pas sur la place publique. Le commentaire d’un événement connu, même s’il le déforme, n’est pas une nouvelle. (Cass. Crim 13 avril 1999. 98-83.798)

D’autre part le fait doit être délibéré. Si bien qu’un point de vue erroné ne portera pas toujours le délit de fausse nouvelle. La nouvelle doit également porter un trouble à la paix publique. C’est ce que rappelle un arrêt de la Cour de cassation – Chambre criminelle- du 26 juin 1968 (n° 68-90.074) portant sur un article du Nouvel Observateur qui prêtait aux services secrets français d’avoir éliminé l’opposant marocain Mehdi Ben Barka. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que cette nouvelle rompait la confiance dans les pouvoirs publics. La Cour de cassation avait déjà en 1963 retenu le trouble porté aux relations internationales par une autre nouvelle.

En outre, et bien entendu, la fausseté de la nouvelle doit être établie ce qui suppose qu’elle puisse l’être. Un point de vue ou une opinion ne porteront donc jamais une fausse nouvelle au sens de l’article 27 de la loi de 1881, pas plus d’ailleurs qu’ils ne constituent une imputation diffamatoire.

Enfin, une difficulté de procédure s’avère rédhibitoire pour qui voudrait se plaindre d’une fausse nouvelle.

En effet selon la Cour de cassation, il s’extrait de la combinaison des articles 47 et 48 de la loi de 1881, qui fixent des règles de procédure, que les poursuites en cette matière ne peuvent être engagées que par le Procureur de la République.

Ce dernier est ainsi est maître des poursuites et on sait qu’il est à cet égard juge de l’opportunité ou non de les engager.

La passivité actuelle des Parquets jusqu’à présent à l’égard de nombre des fake news qui circulent ici ou là sur la pandémie du coronavirus et notamment sur ses origines, ou sur la dangerosité des vaccins, pourrait interroger. Sans doute, les autorités estiment-elles à ce stade que chacun est finalement en mesure de répondre à ces fausses nouvelles et au public de se faire un point de vue équilibré dans le flux contradictoire des communications. La communication moderne est en effet devenue une arme  autrement plus efficace que le judiciaire. Nous avons déjà eu l’occasion de le souligner (infra : Archives Octobre 2014 – Net Vs Réputation: un combat inégal).

Quant à la légitimité de la mesure procédurale posée par les articles 47 et 48 de la loi de 1881, elle se conçoit. C’est au Ministère Public qu’il appartient de protéger la paix publique.

Les individus sont quant à eux suffisamment protégés contre les fausses nouvelles qui nuisent à leur honneur et leur considération par les textes régissant la diffamation.

Vaccination, libertés publiques et droit du malade.

La pandémie de la Covid 19 continue de susciter des débats sans précédent sur la  vaccination et il n’est pas question ici de s’y attarder, son intérêt médical étant l’affaire des médecins et certainement pas celle des juristes.

La place que leur accordent les autorités françaises soulève en revanche deux questions que le droit national appréhende, la première étant celle des libertés publiques, la seconde celle du droit des malades.

Une liberté n’existe que si elle est déterminable et qu’elle a donc ses contours. En d’autres termes,  toute liberté a un périmètre qui se construit sur les limites qu’on lui assigne. De ce point de vue, la critique systématique par certains des mesures sanitaires prises par les autorités qui consiste à les accuser d’être liberticides est philosophiquement et juridiquement erronée.

En revanche les mesures conférant un caractère contraint ou même obligatoire à la vaccination contre cette épidémie se confrontent au droit des malades tel qu’il est aujourd’hui institué par la loi Léonetti et plus particulièrement par celles de ses dispositions codifiées dans l’article 1111-4 du Code de la santé publique.

Il y est notamment écrit : Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrite dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l’article L. 1110-10.n Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

En l’état de ce texte, le patient qui n’abdique pas sa liberté en franchissant le seuil du cabinet de son médecin, ou celui de l’hôpital, le malade qui est au cœur de l’acte médical, peut refuser un traitement. Le cas se retrouve assez fréquemment parmi les victimes du cancer, parmi ceux qui refusent les transfusions sanguines, et bien entendu à un niveau bien moins grave chez ceux qui ont peur du dentiste ou d’une simple piqure.

Ainsi et au jour d’aujourd’hui, tant que le législateur n’aura pas créé une exception particulière à ce droit des malades en le limitant quant à la vaccination contre la Covid 19 et ses variants, on ne voit véritablement pas comment il pourrait le rendre expressément obligatoire.

La seule exception notable pourrait concerner les mineurs puisque c’est au médecin de décider en dernier ressort du traitement qu’ils appellent, mais on imagine le tollé qu’une telle mesure susciterait dans les familles quand bien même nos chers têtes blondes sont déjà vouées à onze vaccinations obligatoires.